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La Russie et sa politique de diplomatie universelle 3/3


Le pays maître des horloges au Moyen-Orient ?


Dans son histoire, la Russie a été longuement la maîtresse d’un territoire et d’une aire d’influence impressionnante, la chute de l’URSS ayant entraîné une baisse significative de son emprise sur la zone russophone du Moyen-Orient et celle en Europe. Un des points culminants de la politique de Vladimir Poutine est de réussir à regagner cette influence, en devenant le médiateur et la puissance qui régit les conflits dans ces zones. Moscou est également connu pour exécuter une politique de diplomatie universelle, dans laquelle elle cherche à maintenir des liens diplomatiques avec tous (Therme, 2015). Le pays cherche à se positionner dans la zone comme une alternative aux États-Unis et à faire tout passer par lui, s’opposant fortement à ce que des liens soient faits avec l’Europe (Therme, 2015).


Dans le conflit au Haut-Karabakh, cela se traduit par une politique étrangère ambiguë vis-à-vis des deux belligérants (Ardillier-Carras et Dumont, 2020). En effet, il est plus intéressant pour la Russie que le conflit ne se résolve pas et qu’il y ait un statu quo plutôt qu’une fin du conflit (Therme, 2015). Malgré cet objectif caché, la Russie devient au fil des ans une puissance incontournable de la zone du Moyen-Orient, de par sa capacité à s’entendre avec des puissances rivales (Iran-Israël notamment) et sa vision réaliste de la politique, qui incite plus à la confiance que les précédentes politiques européennes ou américaines (Therme, 2015). La Russie prend effectivement en compte les dynamiques régionales et cherche à instaurer de la stabilité, même si cela signifie que cela coutera au pays un régime démocratique (Therme, 2015).


Un changement récent de positionnement dans le conflit ?



Moscou a traditionnellement été du côté d’Erevan, principalement de par le fait que l’Arménie, contrairement à l’Azerbaïdjan, a adhéré à l’organisation du traité de sécurité collective et à l’union économique, ce qui la place sous la protection du pays (Bouvier, 2020). Les adhésions de l’Arménie à la coalition politico-militaire et à l’union économique instaurées par la Russie ont longuement fait pencher Moscou du côté d’Erevan, cependant le caractère immobile de la position arménienne sur le conflit a rendu complexe son soutien inconditionnel (Balei, 2020). L’Arménie considère effectivement le conflit au Haut-Karabakh comme une question de sécurité, et se montre plus ou moins intraitable dans les négociations, de peur de se faire supprimer de la carte par la Turquie (Balei, 2020). De plus, l'Azerbaïdjan devient de plus en plus attirant du point de vue géopolitique et économique. Le pays est extrêmement bien positionné dans le Caucase et constitue un enjeu stratégique de premier plan (Marcou, 2021). En plus, le pays a fait en sorte de ne jamais se trouver du mauvais côté de Moscou, il n’a pas cherché à se rapprocher de l’Occident par exemple pour ne pas contrarier les volontés russes (Balei, 2020). La langue russe maintient un certain prestige dans le pays et aucun mauvais sentiment ne se fait ressentir dans la population vis-à-vis de la Russie, contrairement à la révolution anti-corruption qui a eu lieu en 2018 en Arménie (Balei, 2020).


Même si la Russie veut se faire la défenseuse des chrétiens et a donc apporté un grand soutien à l’Arménie, le changement de rapport de force en 2016 en faveur de l’Azerbaïdjan invite la Russie à repenser de façon plus neutre sa position. Le pays a de ce fait adopté une politique allant dans ce sens, puisque cela fait maintenant plusieurs années qu’il traite les deux pays également dans ses ventes d’armements, leur procurant exactement le même type d’armements (Ardillier-Carras et Dumont, 2020). L’Azerbaïdjan a effectivement pu se procurer des armements de plus en plus sophistiqués et l’appui accru de la Turquie a su rendre le rapport de force plus équilibré (Dagenais, 2021). La hausse de revenus pétroliers en Azerbaïdjan et le fait que le pays se trouve dans l’ancienne aire d’influence de l’URSS constituent des incitatifs alléchants qui permettraient à Moscou de gagner en poids dans la zone du Moyen-Orient et ultimement devenir la puissance incontournable et autosuffisante en termes de médiation (Gordadze et Hurel, 2016). Cependant, pour ce qui est de la situation actuelle, le pays doit admettre qu’il ne peut pas encore avoir la mainmise sur tout l’aspect géopolitique, notamment de par la montée de l’implication de la Turquie dans la zone (Balei, 2020). L’interconnexion forte avec la Turquie fait que la Russie doit négocier avec elle vis-à-vis du Haut-Karabakh, et ne peut pas simplement l’écarter des questionnements présents dans le conflit (Balei, 2020).


 

Bibliographie


  • Ardillier-Carras, Françoise. & Dumont, Gérard-François. 2020. « La guerre pour quelles frontières : L’exemple du Haut-Karabagh dans le sud Caucase ». Les Analyses de Population & Avenir, 30, 1-18. https://doi.org/10.3917/lap.030.0001

  • Balci Bayram .2020. « Face à la Turquie, la Russie toujours maître des horloges dans le Caucase ? » Orient XXI. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03021239/

  • Balci, Bayram.2020. « La Russie et le conflit du Karabagh : Moscou est-il toujours le maître des horloges ». Centre de recherches internationales. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03021240/

  • Bouvier, Émile. 2020. « Le Haut Karabagh : une ligne de feu pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une ligne de front diplomatique pour la Russie et la Turquie. De la Guerre du Haut Karabagh aux affrontements de septembre 2020, une animosité arméno-azérie toujours aussi forte » Les clés du Moyen Orient. https://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-Haut-Karabagh-une-ligne-de-feu-pour-l-Armenie-et-l-Azerbaidjan-une-ligne-de-3262.html

  • Dagenais, Lucie France. 2021. « Le front caucasien de la Turquie ». Diplomatie (112) : 44-47. https://www.jstor.org/stable/48631260

  • Gordadze, Thornizé et Hurel, Tristan. 2016. « Le Haut-Karabagh, un territoire sous tension ». Diplomatie, (82) : 26–30. https://www.jstor.org/stable/26982792

  • Marcou, Jean.2021. “Guerre Du Haut-Karabagh: La Turquie Au Cœur de La Nouvelle Géopolitique Du Caucase.” Diplomatie, (107) : 17–21. https://www.jstor.org/stable/26986896

  • Therme, Clément. 2015. « La Russie au Moyen-Orient : entre enjeux géopolitiques et intérêts économiques » Géoéconomie. 76, (4) :95-108. https://doi.org/10.3917/geoec.076.0095

  • Zarifian, Julien. 2021. « Les États-Unis de Trump et la guerre du Haut-Karabagh ». Politique étrangère, (1) :119-129. https://doi.org/10.3917/pe.211.0119




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